lundi, mai 15, 2006

Entretien avec Portzamparc, "Café Beaubourg" (extrait)

Christian de Portzamparc : " La pensée de l'architecture, là où elle est essentielle, n'est pas écrite. Tout ce qui est de l'ordre de l'espace et du vide, tous ces effets de l'émotion ne sont pas transcrits. Or ces émotions, on est amené à les noter, à les nommer pour les maîtriser, et éventuellement agir quand on est architecte. D'où l'importance du dire. Sans quoi l'émotion serait toujours passive et fugace. Le cheminement que la pensée effectue entre la représentation et le langage m'a toujours intéressé. Ce qui est nommé dans les traités d'architecture, c'est l'astragale, le triglyphe, la métope, le chapiteau, la base, le nombre de module, la corniche, tout ce qui est repérable en terme de matière. Le plein est nommé et décrit. Pour désigner le vide, on nomme des types de pièce : on dit le narthex, la nef... En architecture, les théoriciens des traités ont eu une approche dominée par ce que l'on pourrait appeler l'architecture comme rhétorique, c'est-à-dire l'ornementation, la décoration. On voit des styles, roman, gothique, etc. Et, d'autre part, on se penche évidemment sur l'architecture comme fait technique, fait de construction. Mais après ça sa lumière, sa grandeur, sa hauteur, sa largeur, sa connexion, son parcours, on ne sait pas l'exprimer. Pour raconter un parcours ou le faire passer autrement que dans l'expérience même de l'architecture, il y a la littérature, le cinéma. L'architecture ne peut pas dire autre chose qu'elle-même, c'est-à-dire 'allez-y, marchez dedans'. "
Christian de Portzamparc, extrait de l'entretien " Café Beaubourg ", Le Trait n°9